BRISER LES STÉRÉOTYPES POUR FAIRE DÉCOLLER L’INDUSTRIE
Longtemps perçu comme un univers réservé aux hommes, le secteur industriel s’ouvre peu à peu grâce à des professionnelles qui prouvent, au quotidien, que compétence et passion ne connaissent pas de genre. Ingénieure de formation, Léa Vaur évolue depuis le début de sa carrière dans l’aéronautique. Après avoir occupé différents postes allant du développement produit à l’amélioration de la production, elle est aujourd’hui responsable du Manufacturing Engineering Single Industrial System Development chez Airbus Atlantic, à la tête d’une équipe de vingt personnes.
À 38 ans, elle assume pleinement son rôle de leader et de mère, tout en œuvrant pour faire tomber les stéréotypes. Rencontre avec une professionnelle engagée, pour qui le changement passe par l’exemple et l’action.
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre poste actuel ? Léa Vaur : Je suis responsable du Manufacturing Engineering Single Industrial System Development chez Airbus Atlantic. Mon équipe est composée de chefs de projet, d’architectes industriels, de préparateurs de pré-industrialisation et d’un ingénieur systèmes industriels. Ce mélange de compétences nous permet de travailler sur des projets qui optimisent le système de production, en tenant compte du design de l’avion, de l’environnement de travail et de la réalité du terrain. Nous faisons le lien entre le bureau d’études et la production, pour transformer une idée ou un plan en quelque chose de concret et réalisable par les opérateurs.
Quel a été votre parcours avant ce poste ? L.V. : J’ai un diplôme d’ingénieur et un double diplôme en administration des entreprises obtenu à l’IAE. J’ai commencé chez Zodiac Aerospace, en gestion de projet côté bureau d’études, sur le développement produit. En arrivant chez Airbus, j’ai continué dans la gestion de projet, mais plutôt côté amélioration de la production. J’ai ensuite été Executive Assistant du directeur de site, puis responsable de pilotage de production. Par la suite, j’ai travaillé sur des projets de montée en cadence, avant de rejoindre le monde du Manufacturing Engineering, où j’évolue toujours. Ces expériences m’ont donné une vision globale, du développement jusqu’à la fabrication.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler dans l’industrie ? L.V. : J’ai toujours aimé les matières scientifiques comme les maths et la physique. À 18 ans, je ne savais pas précisément quoi faire, alors j’ai choisi la formation qui me fermait le moins de portes : le diplôme d’ingénieur. Rapidement, j’ai compris que je ne voulais pas rester derrière un écran à faire uniquement des calculs. J’ai besoin de concret, de voir le résultat de mon travail. L’industrie, c’est ça : on sort un produit, on voit l’impact direct de ce que l’on fait.
Avez-vous rencontré des défis particuliers en tant que femme dans ce milieu ? L.V. : Oui. Le premier, c’est la tendance à vouloir sur-prouver sa valeur. Au début, je me mettais beaucoup de pression pour montrer que j’étais à la hauteur, parfois plus que nécessaire. Avec le temps, j’ai compris qu’il fallait arrêter avec cette croyance limitante : nous avons les mêmes compétences que nos collègues hommes. Un autre défi a été de casser les codes autour de l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle. Avant d’avoir des enfants, je pouvais travailler sans contraintes horaires. Depuis que je suis maman, j’ai adapté mes horaires. Certains ont fait des remarques, mais j’ai décidé de montrer par l’exemple qu’on peut partir à 17h, faire son travail efficacement et atteindre les objectifs.
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Quels stéréotypes sur les femmes persistent selon vous dans l’industrie ?
L.V. : Il reste des idées reçues sur la disponibilité des femmes avec enfants, ou sur leur capacité à occuper certains postes stratégiques. Il y a aussi la question de l’âge : en dirigeant des personnes plus âgées que moi, j’ai parfois senti qu’il fallait faire mes preuves. J’ai même eu un collègue qui m’a dit, dès mon arrivée, que les femmes chefs ne pensent qu’à leur carrière.
Cela dit, les choses évoluent, parfois même dans l’autre sens : on parle de discrimination positive, où être une femme peut aider à obtenir un poste dans un souci de diversité. Je pense que ça peut être un levier temporaire, mais l’objectif, c’est qu’on ne regarde plus le genre, seulement les compétences.
Y a-t-il des moments ou projets clés qui ont marqué votre progression ?
L.V. : Oui, à chaque fois que j’ai réussi à mobiliser une équipe autour d’un challenge important. Par exemple, lors de projets de montée en cadence ou de création d’équipe. Quand on part de personnes issues de services différents et qu’on arrive à les rassembler autour d’un objectif commun, à casser des process trop rigides pour atteindre le but, et qu’on y parvient dans la bonne humeur, c’est très satisfaisant.
De quoi êtes-vous la plus fière dans votre parcours ?
L.V. : D’être restée fidèle à mes valeurs, de ne pas m’être laissée enfermer par des croyances limitantes, et d’avoir su trouver à chaque étape les bonnes personnes pour m’aider à progresser. J’ai gagné en confiance au fil des années, notamment grâce à des managers qui m’ont poussée à sortir de ma zone de confort.
Quel conseil donneriez-vous aux femmes qui souhaitent intégrer l’industrie ?
L.V. : Faites-vous confiance, restez vous-mêmes et trouvez votre source d’énergie. Entourez-vous des bonnes personnes et n’ayez pas peur de casser les codes. L’industrie a besoin de tous les profils et c’est un secteur où l’on peut voir concrètement l’impact de son travail.
Comment voyez-vous l’avenir de la place des femmes dans ce secteur ?
L.V. : Depuis dix ans, les choses ont beaucoup progressé, et je pense que ça va continuer. On met de plus en plus en avant les compétences et l’expérience plutôt que le genre. J’espère qu’un jour, on ne parlera même plus de management « féminin » ou « masculin », mais juste de bon management.
Si vous deviez résumer votre parcours en une phrase ?
L.V. : C’est une aventure. Je sais où je veux aller, mais pas toujours par quel chemin. Il y a des obstacles à éviter, des rencontres qui marquent, des opportunités à saisir. Et si la route devient trop compliquée ou moins agréable, je n’hésite pas à en changer. L’important, c’est de continuer à avancer.